L’Iwagumi n’est pas seulement une méthode de disposition des pierres dans un aquarium. C’est un concept philosophique profond, issu de l’art traditionnel des jardins japonais. Le terme lui-même se traduit par « disposition des pierres » ou « composition de pierres ». Dans l’aquariophilie, le style Iwagumi, popularisé par le maître Takashi Amano, est devenu le summum du minimalisme et de l’harmonie, où le rôle principal est attribué au hardscape (les pierres), les plantes servant uniquement de fond imitant un tapis végétal.
La création d’un aquascape de style Iwagumi exige non seulement une maîtrise technique, mais aussi une vision artistique. Les experts du portail taba.su ont préparé un guide détaillé qui vous aidera à maîtriser toutes les subtilités de cette direction raffinée et exigeante du design d’aquarium.
Iwagumi : l’art du design d’aquarium japonais

Le style Iwagumi est basé sur les principes du bouddhisme zen, ainsi que sur les concepts de wabi-sabi (trouver la beauté dans l’imperfection et la naturalité) et du minimalisme. Contrairement aux aquariums hollandais ou naturels, où dominent des plantations luxuriantes ou des racines, l’Iwagumi se concentre sur les lignes verticales et horizontales créées par les pierres, et sur un sentiment d’espace ouvert.
Caractéristiques clés du style :
- Minimalisme : Utilisation d’un nombre limité d’éléments – uniquement des pierres et des plantes couvre-sol basses.
- Asymétrie : La composition est toujours asymétrique pour éviter la stagnation et donner du dynamisme.
- Unité de matériau : Toutes les pierres doivent être du même type, couleur et texture pour imiter un massif montagneux unique.
- Échelle : Les pierres doivent créer une sensation de monumentalité, même dans un petit aquarium.
Au cœur de toute composition Iwagumi se trouve le désir de recréer un paysage naturel de montagne ou de roche, qui semble cohérent et intact.
Les bases de la composition Iwagumi : la règle du nombre d’or et au-delà

Le cœur de l’Iwagumi réside dans la disposition des pierres, qui suit strictement des règles connues sous le nom de Sanzon Iwagumi (composition de trois pierres). Même si plus de pierres sont utilisées, elles doivent être subordonnées à cette triade principale.
Structure des pierres Sanzon Iwagumi :
La composition traditionnelle se compose d’un nombre impair de pierres (3, 5, 7, etc.), ce qui est également une référence aux jardins japonais.
- Oyaishi – Pierre principale : L’élément le plus grand, le plus beau et le plus dominant. Il donne le ton et l’orientation de toute la composition. Son sommet doit être situé au point du nombre d’or (environ 1/3 ou 2/3 de la longueur de l’aquarium).
- Fukuishi – Pierre auxiliaire : La deuxième plus grande. Elle est placée à côté de l’Oyaishi, mais légèrement décalée pour créer un équilibre. Elle doit compléter la pierre principale sans entrer en compétition avec elle.
- Soeishi – Pierre de soutien : La troisième plus grande. Elle est utilisée pour renforcer la structure générale et donner de la profondeur. Elle est souvent placée à l’écart de la paire principale.
- Suteishi – Pierre sacrificielle : Des pierres plus petites utilisées pour les détails et pour créer une sensation d’érosion naturelle. Elles peuvent être partiellement cachées par des plantes ou le substrat.
Règles de disposition importantes :
- Orientation (Ki-no-nanage) : Toutes les pierres doivent être inclinées dans la même direction (idéalement, vers le centre de l’aquarium ou vers la vitre avant), créant une sensation de courant ou de vent.
- Harmonie : Les pierres doivent être enfoncées dans le substrat pour paraître naturelles. On ne peut pas simplement les poser au fond.
- Taille : La différence de taille entre l’Oyaishi, le Fukuishi et le Soeishi doit être évidente.
Choix des pierres pour l’Iwagumi : types, formes et textures

Le choix de la bonne pierre est crucial, car elle est le personnage principal de la composition. Les pierres doivent être expressives, avoir des rainures profondes et des arêtes vives pour transmettre un sentiment d’âge et de puissance.
Types de pierres populaires pour l’Iwagumi :
- Pierre Seiryu : Le choix le plus populaire. Elle a une couleur grise ou gris-bleu, des arêtes vives et des fissures profondes. Attention : peut légèrement augmenter la dureté carbonatée (KH) de l’eau.
- Pierre Ryuo : Pierre gris clair avec une texture plus lisse mais stratifiée. Idéale pour imiter des falaises.
- Pierre Manten : Pierre avec une texture riche et déchiquetée, souvent avec des inclusions blanches ou jaunes. Crée un aspect très naturel et « sauvage ».
- Pierre Ohko/Frodo : Pierres jaunâtres-brunâtres, poreuses, parfois avec des trous. Bonnes pour créer une illusion d’érosion.
Conseils de sélection :
- Test d’acidité : En cas de doute, versez de l’acide acétique sur la pierre. Si la pierre pétille, elle contient du calcium et augmentera considérablement la dureté de l’eau. Pour les aquariums avec des plantes et des poissons exigeants, cela peut poser problème.
- Texture et échelle : Choisissez des pierres avec la texture la plus prononcée possible, qui sera belle sous l’eau. Assurez-vous que la texture des pierres correspond à l’échelle de l’aquarium.
- Nettoyage : Avant utilisation, les pierres doivent être soigneusement nettoyées de la saleté et bouillies pour exclure l’introduction d’organismes indésirables dans l’aquarium.
Substrat et plantes dans l’Iwagumi : création d’un paysage naturel

Dans l’Iwagumi, le substrat remplit deux fonctions principales : il nourrit les plantes couvre-sol et crée du relief. Le relief doit être prononcé, souvent avec une forte inclinaison vers la paroi arrière, pour renforcer le sentiment de profondeur et de perspective.
Utilisation du substrat :
- Couche nutritive : Utilisation d’un substrat aquatique spécialisé (par exemple, Aquasoil), riche en nutriments et de structure granulaire, idéale pour l’enracinement des plantes tapissantes.
- Création de pentes : Pour soutenir des monticules élevés à l’arrière-plan, on utilise souvent du Power Sand ou de la lave volcanique sous le substrat principal, ainsi que des séparateurs ou des grilles spéciaux.
Plantes pour le style Iwagumi :
Le choix des plantes dans l’Iwagumi est strictement limité. Seules des espèces basses et tapissantes sont utilisées, qui ne cachent pas les pierres et ne perturbent pas l’esthétique minimaliste. L’utilisation de seulement 1 à 3 espèces de plantes est autorisée.
- Couvre-sol (Carpette) :
- Hemianthus callitrichoides ‘Cuba’ : La plante la plus populaire mais exigeante. Crée une « pelouse » dense et fine.
- Glossostigma elatinoides : Croît rapidement mais nécessite un éclairage intense et des tailles fréquentes.
- Eleocharis parvula : Crée un effet de gazon dense. Moins exigeant en taille.
- Marsilea hirsuta : Se distingue par sa croissance lente et sa facilité d’entretien.
- Accent (rare) :
- Eleocharis vivipara ou Vallisneria nana peuvent être utilisés à l’arrière-plan pour imiter de l’herbe haute, mais leur utilisation doit être strictement limitée.
Important : Les plantes doivent être plantées très densément pour former rapidement un tapis et prévenir la croissance d’algues.
Mise en eau et entretien d’un aquarium Iwagumi : guide étape par étape

Le processus de mise en eau d’un Iwagumi nécessite une planification minutieuse et de la patience, surtout lors de la formation du tapis couvre-sol.
Étapes de mise en eau :
- Planification (Dry Setup) : Placez les pierres dans l’aquarium vide sur un tapis (par exemple, un tapis en PVC) pour éviter de rayer le verre. Déterminez la disposition idéale de l’Oyaishi et des autres éléments en utilisant la règle du nombre d’or.
- Préparation du substrat : Posez la sous-couche nutritive, puis le substrat aquatique principal, en formant le relief souhaité (pentes).
- Plantation : La méthode Dry Start Method (DSM) est recommandée pour les plantes tapissantes exigeantes comme Cuba. Si la méthode traditionnelle est utilisée, le substrat est humidifié, mais l’eau n’est versée que partiellement. Les plantes sont plantées avec une pince en petits bouquets.
- Remplissage et cyclage : L’eau est versée délicatement. Le cycle de l’azote standard commence.
- Éclairage et CO2 : Une alimentation puissante en CO2 (25-35 ppm) et un éclairage intense (PAR élevé) sont nécessaires pour la croissance réussie des plantes tapissantes.
Entretien de l’Iwagumi :
- Taille du tapis : Les plantes tapissantes, en particulier Glossostigma et Cuba, nécessitent une taille régulière et agressive (toutes les 1 à 3 semaines) pour éviter la pourriture des couches inférieures et le décollement du tapis du substrat.
- Élimination des algues : Les pierres, étant l’élément principal, doivent être impeccablement propres. Les algues (en particulier la barbe noire ou le xénocoque) sur les pierres sont éliminées manuellement avec une brosse ou traitées localement avec du Seidex (glutaraldéhyde).
- Contrôle de la dureté : Si des pierres augmentant la KH/GH (par exemple, Seiryu) sont utilisées, il est nécessaire de changer l’eau régulièrement et éventuellement d’utiliser de l’eau osmosée.
Problèmes courants dans l’Iwagumi et leurs solutions

Bien que l’Iwagumi paraisse minimaliste, c’est l’un des styles les plus difficiles à entretenir en raison de la forte concentration de lumière, de CO2 et de nutriments nécessaires pour maintenir un tapis parfait.
| Problème | Cause | Solution d’expert |
|---|---|---|
| Décollement du tapis | Tapis trop envahi, trop épais ; manque de CO2. | Taille régulière et basse (jusqu’à 1 cm), augmentation de l’apport en CO2. |
| Algues sur les pierres | Excès de nutriments ou CO2 déséquilibré. | Nettoyage manuel des pierres, traitement localisé, introduction d’escargots nettoyeurs (Otocinclus affinis, crevettes Amano (Caridina multidentata)). |
| Eau verte/trouble | Pic bactérien ou excès de lumière à un stade précoce. | Changements d’eau quotidiens (50%), utilisation d’un stérilisateur UV. |
| Mauvaise croissance du tapis | Manque de CO2, faible éclairage ou manque de micro-éléments. | Vérification du drop checker (le CO2 doit être jaune-vert), augmentation du dosage de fer et de micro-éléments. |

Conseils d’expert : les secrets pour créer un Iwagumi parfait
Les aquascapers expérimentés utilisent plusieurs astuces pour que leur Iwagumi paraisse le plus naturel et le plus spectaculaire possible.
Secrets de composition et de perspective :
- Perspective forcée : Pour créer une illusion de grand espace, utilisez des pierres plus grandes à l’avant-plan et des pierres plus petites à l’arrière-plan. Il en va de même pour les plantes : à l’arrière-plan, vous pouvez utiliser des espèces légèrement plus hautes (par exemple, Eleocharis vivipara), et à l’avant-plan, les plus basses (Cuba).
- Choix des poissons : Dans l’Iwagumi, seuls les petits poissons de banc qui n’attirent pas l’attention sur le hardscape conviennent. Les Néons (Paracheirodon innesi), les Tétras lucioles (Hemigrammus erythrozonus) ou les petits Rasboras (Trigonostigma heteromorpha) sont idéaux.
- Création d’une « ombre » : Placer la pierre principale (Oyaishi) de manière à ce qu’elle projette une ombre sur une partie du tapis ajoute de la profondeur et du volume à la composition.
- Règle d’or : Utilisez toujours un nombre impair de pierres. Cela donne du dynamisme et une asymétrie naturelle à la composition, tandis qu’un nombre pair semble souvent statique.
En fin de compte, l’Iwagumi est un équilibre entre précision technique (CO2, lumière, nutriments) et flair artistique.
FAQ et faits intéressants sur l’Iwagumi

Questions fréquemment posées :
Question : L’utilisation de CO2 est-elle obligatoire dans l’Iwagumi ?
Réponse : Oui, pratiquement obligatoire. Les plantes nécessaires à la création d’un tapis dense (Cuba, Glossostigma) sont très exigeantes. Sans un apport puissant en CO2, elles pousseront lentement, ne pourront pas rivaliser avec les algues et ne formeront pas le paysage souhaité.
Question : Quelle est la taille minimale d’aquarium adaptée à l’Iwagumi ?
Réponse : Théoriquement, il est possible de créer une composition même dans un nano-aquarium (à partir de 20 litres). Cependant, pour une meilleure sensation d’échelle et la possibilité d’appliquer la règle du nombre d’or, il est recommandé d’utiliser des aquariums d’un volume de 60 à 120 litres (par exemple, des cubes standard ou des cuves rectangulaires peu profondes).
Question : Peut-on utiliser des racines dans l’Iwagumi ?
Réponse : Non. Le style classique Iwagumi exclut l’utilisation de racines. Si vous ajoutez du bois, la composition passe à un style mixte, par exemple, Ryuboku (composition de racines et de pierres).
Faits intéressants :
- Origines : L’Iwagumi est directement lié au jardin sec japonais Karesansui, où les pierres symbolisent des îles ou des montagnes, et le gravier, l’eau.
- La pierre « Montagne » : La plus grosse pierre (Oyaishi) est souvent appelée « Montagne-mère », symbolisant la stabilité et l’éternité.
- Popularité : Grâce à sa pureté et son minimalisme, l’Iwagumi remporte souvent des concours internationaux d’aquascaping (IAPLC), démontrant un équilibre parfait entre nature et design.
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